gods and monsters Δ

Un endroit ou se désaltérer. C'est la seule chose à laquelle pouvait penser actuellement Min Gyu, qui descendait mollement les escaliers du bâtiment c, la bretelle de son sac pendant sur son épaule et frappant son omoplate à chaque secousse. Après deux heures et demi de travaux pratiques de chimie, et avoir manqué être intoxiqué par ses voisins de table, qui ne savaient visiblement pas mélanger les produits risqués qui leur étaient fournis correctement, il avait vraiment besoin de se changer les idées. Un peu plus et ces crétins faisaient exploser la salle du laboratoire, si ce n'est tout le bâtiment. Min Gyu n'était pas du genre à aider ses camarades de classe, mais à force de tousser et de sentir sa gorge le gratter, à cause des relents amers qui flottaient dans l'air, il s'était décidé à se déplacer pour arranger la situation. Et comme par hasard, le professeur avait du faire son apparition à ce moment-là, pour s'écrier avec horreur que le jeune trèfle venait de faire une erreur monumentale. Franchement, il ne comprenait pas comment elle avait pu croire qu'il était celui à avoir mis en danger toute la classe ainsi. Il restait un génie incomparable en chimie, il connaissait ce domaine de a à z et pourrait même réciter des formules à l'envers si on le lui demandait.

Min Gyu allait pousser la porte menant à l'extérieur, pour respirer un peu d'air frais et vider ses poumons de l'air malsain qu'il avait inhalé tout-à-l'heure, mais il s'arrêta en constatant qu'en traversant un couloir de plus, il pourrait se rendre dans le bâtiment b, ou se trouvait les toilettes les plus proches. Bien évidemment, cela allait lui coûter un peu de son énergie déjà bien rare en pleine journée, mais il ressentait le besoin de s'hydrater plus qu'autre chose. Il avait l'impression d'avoir des grains de sables radioactifs coincés en travers de la gorge, et c'était juste désagréable.

Il traversa donc le fameux couloir, avant de pousser la porte des toilettes. L'endroit semblait vide, seulement pour quelques instants. Les filles venaient toujours papoter et retoucher leur maquillage dans les toilettes, et les garçons avaient eux aussi besoin de se vider la vessie entre deux heures de cours. Il valait donc mieux pour lui qu'il se dépêche. Min Gyu s'aspergeait de l'eau fraîche sur le visage et s'apprêtait à boire au creux de ses mains, lorsque la porte des toilettes claqua brusquement. Et c'était une des choses que le jeune trèfle détestait plus que tout : les bruits secs, inattendus et violents.

Exaspéré, il ouvrait déjà la bouche pour rembarrer les nouveaux arrivants, qui visiblement manquaient de savoir-vivre, à croire que leurs parents ne leur avaient jamais appris. Jusqu'à ce qu'il se rende compte que parmi les quatre garçons présents, trois d'entre eux adoptaient une posture menaçante envers le quatrième. En y regardant de plus près, Min Gyu s'aperçut que celui qui menait le petit groupe tenait le dernier garçon par le col, et que ce dernier semblait terrifié. Les garçons finirent aussi par s’apercevoir de sa présence, notamment à cause de l'eau qui continuait de couler dans l'évier. Min Gyu détourna aussitôt le regard en constatant que le trio malsain cherchait à l'intimider visuellement. Il n'était pas là pour commencer des bagarres avec des étudiants qu'il ne connaissait même pas.

Sauf que l'ambiance était devenu gênante, au point ou il n'osait même pas fouiller son sac à la recherche d'un mouchoir pour essuyer ses mains trempées. Il allait juste attendre qu'ils aient finis leur dispute. Et s'ils ne finissaient pas, il sortirait pour chercher d'autres toilettes plus tranquilles. Sérieusement, pourquoi tout le monde règle ses comptes dans les toilettes ? Entre l'odeur tenace et les bruits de chasses d'eau, ce n'est pas très professionnel. Enfin, il ne devait pas attendre autant d'étudiants qui plongeaient la tête la première dans leur vingtaine, comme un taureau foncerait sur un tissu rouge.

Min Gyu essayait de ne pas écouter leur conversation, même si c'était un peu dur, étant donné qu'ils étaient juste derrière lui. Et ce n'est pas comme si ils faisaient le moindre effort pour rester discrets, au contraire ; leurs voix grimpaient de plus en plus dans les aigus. Certainement une tentative d'intimidation envers le martyr du jour. Il allait reprendre son sac et partir pour de bon lorsque ses yeux croisèrent ceux du bouc émissaire du trio diabolique. Il n'avait plus l'air paniqué, non. C'était un regard que Min Gyu croisait régulièrement envers ceux qu'il essayait d'aider jour après jour. Un regard ou tout espoir avait disparu, un regard qui ne témoignait que de la résignation.

Ses poings se crispèrent furieusement à ses cotés, et sans mise en garde, Min Gyu attrapa son sac pour le jeter entre le trio et celui qui semblait avoir hérité de la carte noire de sa famille.  « Ah. Désolé, ma main a glissée. » articula-t-il entre ses dents serrées, ses yeux lançant des éclairs au trio d'abrutis congénitaux qui le regardait avec une expression choquée au visage. Ils ne s'attendaient surement pas à une telle réaction de sa part, puisque peu de personnes, voir personne ne venait en aide aux Targets de nos jours. Min Gyu s'approcha d'eux pour reprendre son sac, mais l'un des garçons l'en empêcha en attrapant son poignet, suffisamment fort pour laisser des marques sur sa peau.

Min Gyu eut une brève pensée pour le Target derrière lui, qui restait complètement immobile devant la scène qui se tramait sous ses yeux. Ce n'est pas ce mouton effrayé qui allait lui venir en aide, il ne faut pas trop rêver. Les élans de courage, ça vient et ça s'en va très vite. Comme maintenant, le jeune trèfle sentait ses genoux faiblir. Il ne s'était jamais battu de sa vie, c'est lui qui ramassait les coups sans riposter la plupart du temps. Parce qu'il n'avait pas la carrure d'un battant, et qu'il ne voyait pas la logique de se battre pour x ou x raison. Et aujourd'hui, non seulement il était en position délicate mais en plus de ça, il faisait face non pas à un seul adversaire, mais à trois.

Son sarcasme habituel remontait du fond de sa gorge, mais malgré le fait qu'il se soit abreuvé il y a quelques minutes à peine, cette dernière était à nouveau sèche comme du papier. Si bien que les mots qui brûlaient ses lèvres ne coulèrent jamais hors de sa bouche, coincés quelque part dans sa gorge. Tout ce qu'il put faire dans cette situation fut de fixer d'un air de défi le trio en face de lui. Il n'allait tout de même pas abandonner et les laisser s'en prendre au Target derrière lui en s'excusant de s'être interposé, non plus. Réfléchis, Min Gyu, réfléchis, bon sang. .

©Pando

Gods and monsters

Le silence régnait dans la pièce. Pas un bruit, pas une parole. Seul le doux son de la mine sur le papier, glissant, marquant la fine toile blanche. Peu de gens rentraient dans la salle de classe d'habitude et en ces heures de cours Ji Won était certain que personne ne viendrait. Club de dessin. Il n'avait jamais croisé grand monde qui en faisait parti, ça l'arrangeait d'une certaine façon. Le dessin lui permettait de vider sa tête de ses soucis, clarifier ses pensées, panser certaines blessures superficielles causées par certains événements de la journée. Il était toujours serein, en sortant de la salle réservée au club de dessin et de peinture. Et c'est ce dont il avait le plus besoin en ce moment, de la sérénité. Du calme, et du silence.
On lui a souvent fait remarqué que c'était surprenant, un mec qui veut devenir médecin et qui passe des heures à décorer une feuille d'arabesques et de créatures sorties tout droit de son imagination. Mais le crayon est comme un scalpel, les couleurs sont autant d’éléments à prendre en compte que les symptômes d'un patient. Le dessin demande concentration, minutie, attention...des qualités nécessaires, voir même essentielles, à la médecine et les métiers qui pullulaient en ce domaine. Dessiner le tenait occuper, ça le faisait réfléchir autrement, ça le soulageait. Alors Ji Won profitait de ces heures de calme offertes avant qu'il ne doivent retourner au monde réel, quitter cette classe silencieuse pour un établissement bien trop bruyant. Seigneur qu'il regrettait parfois d'avoir quitté Séoul pour Busan. Mais les regrets ne restaient jamais longtemps, ils n'étaient qu’éphémères. Car sitôt qu'il repensait à son ancienne fac, il se souvenait ô combien il avait pu se sentir seul dans ce campus. Un trop grand nombre de personne tue la singularité de tout à chacun, il n'y avait plus d'élèves, plus d'étudiants, juste une masse informe d'êtres vivants semblables à des fourmis. Il n'avait pas énormément d'amis non plus. Non pas qu'il y accordait une importance capitale, mais pouvoir se reposer sur quelqu'un, pouvoir envoyer un sms en cas de soucis ou simplement quémander un peu d'affection n'était pas de refus. Et Ji Won était quelqu'un qui avait besoin d'affection, malgré sa carapace, malgré ses airs de blasé et d'être étrange.

Ji Won n'était pas quelqu'un de facile à apprécier, c'était bien plus aisé de le regarder comme l'on observe un extra-terrestre, le repousser car certaines réflexions sont insensés ou simplement parce qu'il est bizarre. Bizarre. Dans un sens, il préférait être bizarre, c'était moins ennuyant que totalement banal.

L'étudiant posa délicatement son crayon à côté de la feuille qui arborait désormais une empreinte stylisé de loup, afin de plonger sa main dans la poche de son jean sombre. Il en ressortie son portable et appuya sur un bouton, allumant ainsi l'écran qui afficha l'heure actuelle. Lâchant un soupir de résignation il replongea son mobile dans sa poche et leva ses deux bras vers le plafond, étirant son corps du bas dos aux bout des phalanges. Il se redressa doucement et libéra son oreille droite de l'écouteur qui y chantait une chanson au pif. Rangeant avec précaution ses affaires dans son sac il balança ce dernier sur son épaule et enfila une bretelle sur cette dernière. Jetant un dernier regard à la pièce il quitta les lieux, se dirigeant dans les couloirs rapidement et avec agilité, évitant soigneusement les corps parasites et les regards inquisiteurs. Mais Ji Won n'avait rien à craindre dans ces couloirs, dans ce bâtiment. Car il n'était pas le plus à plaindre, car son rang le tenait à l'abri de quiconque viendrait à penser qu'il serait astucieux de venir lui chercher des noises. Et ça lui convenait, car comme ça personne ne le faisait chier. Il passa par certains couloirs où il fut ardu de se déplacer à contre-courant. Quelqu'un le percuta et sa maladresse lui fit perdre l'équilibre, se rattrapant contre le mur Ji Won se tourna pour lancer une remarque au bougre lorsqu'il se rendit compte qu'un groupuscule traînait une tiers personne de façon à ne pas réellement lui laisser le choix de coopérer ou pas. Ji Won soupira et son regard croisa celui du target. Merde. Il le connaissait. Son prénom ne lui revenait pas, mais son regard, si. Deux semaines auparavant, dans un amphi presque vide, il s'était fait recadré par quelques uns de ses supérieurs.  Ji Won était resté là, à regarder, à attendre qu'ils déguerpissent. Puis il s'était dirigé vers le target, il lui avait proposé un marché. Deal. Ji Won ferait en sorte que ces types ne l'approchent plus, en échange le target n'oublierait pas son nom et devrait, au moment venu, lui rendre un service. Qu'importe le service, il lui était redevable. Et c'était ça son jeu, à Ji Won, planter les graines d'un champ prospère. Faire en sorte qu'un nombre important de gens lui en doivent une belle. Parce que comme ça, ce serait plus facile, après, de faire d'eux ce qu'il voulait.  

Il faisait pas ça pour de mauvaises raisons Ji Won. Non. Il se protégeait. Et on ne se protège pas efficacement uniquement couvert de bons sentiments.

Lâchant un soupire d'agacement il accéléra l'allure, tâchant de ne pas perdre de vue le groupe d'imbéciles avec qui il avait eu une discussion que Ji Won avait naïvement cru suffisante. Ils s'engouffrèrent dans les toilettes et Ji Won s'arrêta quelques secondes. Non, sérieusement ? C'était cliché. Tellement cliché qu'il en eu la nausée, et une irrésistible envie de rire. Rire aux éclats. Parce qu'ils étaient décidément trop cons. Après quelques secondes de réflexion et de foutage de gueule grandeur nature, Ji Won poussa la porte des toilettes et s’engouffra dans l'antre à la douce senteur d'urine et de transpiration. Et autre chose, mais ça il préférait ne pas le sentir. Il referma la porte derrière lui et posa son sac sur le carrelage, se notant mentalement qu'il lui faudrait le laver par la suite. Le sac. Pas le carrelage. Non mais puis quoi encore. L'asiatique se retourna et tomba nez à nez avec une scène qu'il n'aurait pas pu deviner. Min Gyu. Cet idiot avait réussi à se mêler à cette histoire. Mais quel...un frisson de légère colère vint agripper Ji Won avant qu'il ne se rende compte de la position dans laquelle était son camarade. Wait. Est-ce que ce type était réellement en train de le menacer ? No way. Un sursaut d'énervement vint à nouveau transpercer le Coeur alors qu'il ouvrit les bras, à l'instar de ces grands orateurs lors d'un discours politique. « Mais qu'avons-nous donc là ? Ne serait-ce pas ce cher, insères-ici ton prénom parce que je l'ai oublié, et que je m'en fiche, qui vient tranquillement agir contre mes conseils ? Je pensais avoir été clair » commença-t-il doucement avant de sentir une pression sur son bras. Il tourna la tête vers l'origine de la pression et afficha une mine lassée « Non non, petit quatre, laisses donc les grand discuter. » lança-t-il au plus jeune qui relâcha tout de suite son emprise et recula de quelques pas. Pathétique. Ji Won se tourna à nouveau vers celui qui semblait être le leadeur de ce groupe d'idiots. « Allez, maintenant t'es gentil et tu le lâches. Puis tu dégages aussi, par la même occasion. Avant que je ne te rappelle ce qui en coûte de porter la main sur quelqu'un de hiérarchiquement plus important que toi. » dis-il calmement en plongeant son regard sombre dans celui de l'imbécile tenant Min Gyu. Allez, lâches-le. Ou tu vas t'en prendre une belle.

crackle bones

Logiquement, si ces trois types s'en prenaient à un target, c'est qu'ils avaient évidemment une carte comportant un nombre plus élevé. Le tout était de deviner le chiffre qu'ils avaient, maintenant, parce que si Min Gyu pouvait utiliser sa propre carte à son avantage, il ne pouvait pas non plus ramener sa fraise envers des hauts-gradés. Il en venait presque à regretter de ne pas avoir trouvé une carte de 10, comme ça, il aurait pu écraser tous ceux qui essayaient de lui mettre des bâtons dans les roues sauf le roi et la reine. Personne ne pouvait contester les faits et gestes du duo royal, de toute façon. Son regard d'aigle analysa patiemment les trois garçons, qui avaient tous une couleur et une attitude différente les uns des autres. Celui qui semblait être le leader du trio semblait sûr de lui, au point de saisir son poignet pour le menacer. Celui qui se tenait à sa gauche semblait plus nerveux, puisqu'il n'arrêtait pas de jeter des regards derrière son épaule, comme s'il craignait que quelqu'un n'entre à ce moment-là. Et le dernier, celui à gauche, arborait un sourire moqueur aux lèvres. Donc, au pire des cas, deux d'entre eux possédaient une carte considérée comme élevée. Mais il lui était clairement impossible de deviner leurs nombres exacts juste par le regard. Il ne se fiait jamais au hasard, ce dernier l'avait trahi de trop nombreuses fois par le passé pour qu'il réitère la même erreur.

Quoique, il continuait d'accumuler les erreurs au jour d'aujourd'hui. Tout ça non pas à cause des targets, mais à cause du système de cartes de cette foutue école. Les cartes seraient inexistantes au sein de la faculté, Min Gyu ne se serait pas gêné pour leur apprendre une leçon, à ces caïds de bas-étage. Du moins, s'il en avait la capacité physique bien sûr. Son seul avantage restait son esprit scientifique, qui semblait avoir disparu maintenant qu'il en avait besoin. Génial, même son propre corps ne semblait pas être d'accord avec son action de sauvetage des plus faibles. Il ne mentirait pas mais il se sentait seul ces derniers temps. Parce qu'à force d'essayer d'encourager les targets, même sa propre famille le surveillait de près, et les soupçons qu'ils nourrissaient tous sur lui étaient fondés, malheureusement. Il détestait devoir dissimuler des secrets à qui que ce soit, mais ce n'est pas non plus comme si il pouvait avouer ses véritables intentions à son Roi, surtout lorsque ce dernier le reniait totalement.

Min Gyu essaya de récupérer son poignet une première fois, sans succès. Le leader du trio raffermissait à chaque seconde qui passe sa poigne sur son bras, et il sentait sa peau commencer à le démanger désagréablement. Au diable la politesse, songea-t-il comme sa patience s'évanouissait, pour laisser place à une colère sourde, qui grondait au fin fond de sa poitrine et émergea dans sa bouche en un grognement mécontent.  « Tu ferais mieux de me lâcher, espèce d'abruti.  » siffla-t-il en tirant à nouveau sur son poignet rouge. Il entendit distraitement le target derrière lui émettre un gémissement plaintif, mais il était plus préoccupé par les visages amusés des garçons en face de lui que par la peur qui transpirait des pores du target derrière lui. Sa mise en garde tomba à l'eau, parce qu'il n'avait aucune chance contre eux. C'était censé être un avertissement, parce que si il ne le lâchait pas tout de suite, quelque chose allait arriver, quelque chose de mauvais. Mais actuellement, avec son bras invalide et le target complètement inutile qui était recroquevillé par terre, Min Gyu n'avait aucun moyen de pression valide, assez pour effrayer ses assaillants.

Jusqu'à ce que la porte des toilettes ne s'ouvre à nouveau. Ils tournèrent tous la tête dans la direction du nouvel arrivant, qui posait tranquillement son sac sur le carrelage des toilettes. Min Gyu plissa les yeux en apercevant ses cheveux aux teintes violettes et bleues. Ce type ne savait même pas qu'il venait de piétiner un nid de guêpes, mais il allait rapidement l'apprendre à ses dépens. Il essaya de profiter de l'instant de surprise pour dégager son poignet, sauf que le leader du trio avait une force plutôt impressionnante, par rapport à la sienne du moins, puisqu'il réussit à garder son bras dans sa main sans aucun effort apparent. C'était franchement frustrant pour le jeune trèfle, qui se sentait littéralement prisonnier. Il allait reprendre la parole lorsque le garçon qui venait d'entrer releva la tête, lui causant d'écarquiller les yeux de surprise. Parce que non seulement il connaissait ce cœur, mais c'était aussi à cause de lui qu'il se retrouvait dans cette situation délicate. C'était bien à cause de Park Ji Won qu'il avait rejoint la cause des targets, et qu'il tentait de leur venir en aide dés qu'il le pouvait.

Min Gyu aurait du se sentir reconnaissant lorsque Ji Won s'interposa dans leur bataille superficielle, pour demander au leader du trio de le lâcher. Mais à la place, il fusilla le cœur du regard, furieux. Parce qu'il avait l'impression de s'être fait rouler dans la farine, parce qu'il avait été l'élément déclencheur dans sa vie qui lui avait fait comprendre que les targets avaient besoin d'un bouclier dans leur quotidien de martyrs. L'un des garçons essaya d'attraper le bras de Ji Won pour l'empêcher d'approcher plus près ou de parler, mais ce dernier le remit à sa place. Alors comme ça, celui-là était un quatre. C'était le plus nerveux de la bande, celui qui dansait sur un pied et l'autre depuis tout-à-l'heure sans savoir sur lequel s'appuyer. Selon les dires de Ji Won, celui qui tenait encore le poignet de Min Gyu était visiblement placé plus bas hiérarchiquement que lui. Il fronça les sourcils en se rappelant que lui et Ji Won possédaient la même carte, encore plus énervé qu'avant. « Pareil ici, je ne sais pas si tu veux courir le risque de t'en prendre physiquement à quelqu'un qui est plus haut-gradé que toi. » ajouta-t-il, pour appuyer les propos de Ji Won.

Le garçon sembla hésiter un instant, juste un bref instant. Le temps d'accorder à ses deux adversaires un regard noir, et il relâchait enfin le poignet de Min Gyu, qui soupira de soulagement en le massant doucement. C'est qu'il n'y était pas allé de main-morte, celui-là. Les marques blanches de ses doigts opéraient un contraste étrange avec sa peau rouge. Le trio disparut, non sans quelques menaces envers le target toujours accroupi par terre, comme quoi la prochaine fois qu'ils l'attraperaient, il souffrirait deux fois plus à cause de ses sauveurs. Tellement typique pour des grosses brutes comme eux. Min Gyu se tourna vers le target, qui semblait sur le point de pleurer, mais qui était suffisamment fort mentalement pour se retenir. Son menton tremblotait le trahissait, cependant. « Est-ce que ça va ? » s'enquit-il en se penchant pour être à son niveau, son regard s'adoucissant en voyant l'état misérable dans lequel le target se trouvait désormais.

La réaction du target ne se fit pas attendre ; il se releva du mieux qu'il le pouvait, malgré ses jambes qui semblaient sur le point de lâcher sous son propre poids, pour pointer d'un doigt accusateur les deux garçons, l'air désespéré.  « Bien sûr que ça ne va pas, et c'est de votre faute ! Maintenant, ça sera encore pire que d'habitude !. » s'écria-t-il, ses yeux débordant des larmes qu'il conservait depuis le début de cette mascarade. Min Gyu était surpris, c'était le cas de le dire. C'était la première fois qu'un target ne lui était pas reconnaissant pour son intervention. Enfin, il n'avait pas tout à fait tort, il ne l'avait pas aidé comme il l'aurait dû. Le target les poussa de son chemin pour sortir des toilettes. Le silence retomba sur le duo, brisé par un soupir cette fois-ci fatigué de la part du trèfle.

Il se rappela de la présence de Ji Won, et se tourna vers ce dernier, une moue dépitée collée au visage. « Ça n'a pas été un grand succès, aujourd'hui. » déclara-t-il pour détendre l'atmosphère, qui bizarrement, était encore plus électrique que lorsque le trio diabolique était encore dans les toilettes. C'était peut-être à cause du regard remonté que Ji Won lui offrait, comme s'il allait lui remonter les bretelles pour s'être mêlé de ce qui ne le regardait pas. Min Gyu retourna aux éviers pour ouvrir le robinet et laisser couler de l'eau froide sur son poignet, qui le brûlait encore. Si le cœur derrière lui s'apprêtait vraiment à lui faire une leçon de morale, ses nerfs n'allaient pas tenir bien longtemps. Il était déjà assez énervé comme ça, il n'avait pas besoin qu'on le reprenne sur ses actions. Surtout par quelqu'un comme Ji Won. Certes, il était plus âgé que lui, mais Min Gyu refusait de se laisser donner des ordres ou des conseils par ce dernier. Allez savoir pourquoi, d'ailleurs. C'est juste qu'il ne le voulait pas, sans aucunes raisons particulières.

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D'habitude il était plus discret, moins évident. Il faisait les choses par derrière, de façon à ce que personne ne remarque qu'il est été présent. Mais là, en voyant Min Gyu impliqué dans l'affrontement, il n'avait pas été capable de ne prétendre être là que pour soulager sa vessie. Ce qui à l'origine était l'idée de Ji Won. Prétendre. Rentrer, faire comme si de rien n'était, aller pisser et ressortir lorsque les trois chacals seraient partis. Là il aurait rassuré le target, il lui aurait promis de vraiment régler cette histoire, que ces trois idiots ne s'en sortiraient pas, qu'ils allaient voir de quel bois se chauffe un Park. Il lui aurait tendu une compresse, si l'altercation avait été violente, peut-être même qu'il l'aurait aidé à désinfecter. Puis il serait parti, après une tape sur l'épaule. C'est comme ça qu'il fonctionnait, par mots, par promesses, par petites aides. Il ne pouvait pas faire plus, il ne pourrait sans doute jamais car même la Trinité n'y pouvait rien. Que faire dans un système où rien n'est donné pour aider les martyrs ? Créer soi-même le secours, décider un beau jour que s'en était assez. Se bouger les fesses, risquer son cul, faire preuve d'un minimum de courage. Ces imbéciles pouvaient croire être courageux, à prendre leurs poings pour aller menacer les plus faibles. D'une certaine manière il en fallait, du courage, pour oser s'en prendre à plus faible. Il fallait le courage de devenir une ordure, de glisser vers le côté de l'oppression, aussi minime soit elle. Voir ces jeunes au bord du gouffre un peu plus chaque jour, c'est ce qui avait donné un coup de pied aux fesses à Ji Won. Surtout lorsqu'il s'est retrouvé face à une personne qu'il appréciait, mais qui n'avait pas été gâtée par les cartes. Les phalanges explosées, le regard vide, les joues rouillées de larmes. Tous n'étaient pas traités avec autant de méchanceté et de violences, certains targets s'en sortaient bien, ils faisaient profil bas et n'écopaient jamais d'un quelconque acte violent. D'autres...d'autres rentraient chaque jour couverts de bleus nouveau, de menaces inédites et de cauchemars en devenir. Les cartes étaient différentes pour chacun, ce qu'elles entraînaient également. Le courage était nécessaire des deux côtés, celui qui lève la main, celui qui ferme les yeux et prie. L'un était simplement moins louable que l'autre.

Min Gyu appuya les propos de Ji Won et ce-dernier fixa le blondinet, légèrement irrité. Pourquoi était-il subtilement mécontent de le voir ici ? De l'entendre ne serait-ce que parler ? Parce que rien de ce qu'il faisait ou pouvait faire n'arrangerait la situation. Il n'était pas assez réfléchi pour savoir quand se taire et quand ouvrir la bouche. Quoi dire, comment agir, quand rester immobile et où ne pas aller. Ses propos risquaient de lui obtenir des blessures inutiles, c'est ça qui énervait Ji Won. Mais ça, il ne se l'avouait pas réellement, il préférait se convaincre que c'était parce que les agissements de son camarade risquaient de griller et porter à néant son propre plan d'action. Si Min Gyu se faisait chopper, Ji Won aussi. Et c'était hors de question. Il n'avait pas fait tout ça pour rien, pas pour se faire découvrir à cause d'un mec qui s'est soudain senti l'âme d'un super-héros. Si d'une part Ji Won se sentait flatté de l'initiative de Min Gyu, il ne pouvait s'empêcher de déplorer son comportement, sa façon d'agir, trop naïve. Il aurait du venir trouver Ji Won, lui demander de l'aide, lui demander de lui apprendre. Qu'importe, des conseils, des astuces, n'importe quoi. Si il avait été un temps soit peu réfléchi, il ne se serait pas mis en quête solo, il serait venu demander de l'aide. Alors Ji Won aurait pu lui apprendre, lui enseigner que l'affrontement direct ne devait jamais être une option, qu'il fallait toujours réfléchir, couvrir ses traces, être certain que tout le monde gardera le silence sur son intervention. Ironique de dire ça lorsque la seule chose que faisait Ji Won à l'instant, c'était d'affronter directement la situation. Mais le target n'était plus l'unique cible de ces idiots, alors ça justifiait son acte. D'une certaine manière.

Le leadeur d'une groupe lâcha Min Gyu et un soupire de soulagement germa dans l'esprit de Ji Won. Il craignait que ça ne soit plus compliqué, mais peut-être que cet imbécile était un iota plus malin que ce qui était physiquement visible. Le trio lança une suite de regard haineux avant de sortir des toilettes. Ji Won resta immobile, entendant la porte claquer derrière lui. Min Gyu bougea, se dirigeant vers le target recroquevillé dans un coin des sanitaires. Le plus âgé ne bougea pas, se contenant de suivre du regard le trèfle. Il s'enquit de l'état du target qui ne se fit pas prier pour se relever et ne montrer aucun signe de reconnaissance quelconque. Ce-dernier prit également le chemin de la sortie, cognant contre l'épaule de Ji Won qui ne bougea pas d'un pouce. Ingrat. Non, c'était décidé, Ji Won n'irait pas parler au trio. Qu'ils continuent à oppresser ce nouvel idiot, ça lui était égal désormais. C'était juste dommage de gâcher un si beau visage, cruelle nature. Cruel destin.
Le silence tomba comme la nuit dans la pièce alors qu'il ne restait plus que Ji Won et Min Gyu. Le plus âgé ne bougeait pas, se concentrant pour calmer sa colère intérieur. Il ferma les yeux quelques secondes, demandant humblement au seigneur de lui donner la patience et la volonté pour garder son calme. Ji Won détestait l'ingratitude, ça le mettait hors de lui lorsqu'on était pas reconnaissant de ses actes de bontés. Car ils n'étaient pas gratuit, car c'était usant d'être bon, de faire les choses aussi humainement que possible. C'était tellement plus facile d'être un sale type. Mais ça, Ji Won se le refusait, qu'importe ce que pourraient laisser croire les apparences, les rumeurs et les colportages, il ne deviendrait jamais quelqu'un de mauvais. C'était une promesse qu'il s'était faite lorsque Eun Sil est nait, car il ne voulait pas que sa petite sœur le regarde un jour avec une moue déçue ou effrayé. Non. Il serait le grand frère dont on est fier et vers lequel on se tourne lorsqu'on est triste, qu'on a besoin de parler, de conseils, de silence aussi.

La voix de Min Gyu vint percuter contre les tympans du cœur qui tourna sa tête vers le trèfle. Il baissa légèrement les yeux pour pouvoir poser son regard sur le visage du blondinet. Un rire acide franchi les lèvres du plus âgé lorsqu'il entendit les paroles prononcées par son camarade. « Tu dois avoir l'habitude. » lança-t-il sur un ton qui ressorti plus amer que ce qui était prévu à l'origine. Ji Won soupira avant de passer sa main dans ses cheveux, une mèche violette s'étant donné le droit de tomber en travers de son regard. Son acolyte prit la direction des éviers et très vite le bruit de l'eau emplie les lieux, brisant le silence qui était à nouveau tombé en maître. Ji Won brisa son immobilité et jeta un coup d’œil lointain à l’état du poignet de Min Gyu. Pas joli, cet imbécile n'y était pas allé de main morte. Ji Won se dirigea vers le coin où son sac avait été déposé et s'accroupit pour en ouvrir la fermeture éclaire. Il en sortie une bombe de froid à l'arnica qu'il secoua légèrement avant de se relever. Il posa la bombe sur le rebord de l'évier et avança sa main droit vers le poignet inondé de Min Gyu. « Je peux ? » demanda-t-il d'un ton plus calme qu'auparavant. Il voulait simplement vérifier que rien n'était cassé, foulé ou déplacé. Qu'importe combien il essayait de se convaincre que Min Gyu pourrait se faire éclater le nez qu'il en resterait insensible, il était incapable de le laisser potentiellement blessé dans des toilettes mixes à l'hygiène parfois douteuse.

crackle bones

Min Gyu avait beau savoir qu'il méritait parfaitement le regard un tant soit peu remonté de Ji Won, mais toujours est-il qu'il se sentait vexé d'une telle réaction. Sa façon d'opérer n'était pas la meilleure sur le marché, il en avait pleinement conscience. Normalement, son modus operandi était de sortir quelques phrases emplies de sarcasme, juste assez pour déstabiliser son adversaire et le faire reculer. Il faisait généralement appel à son esprit scientifique avant de tenter quoi que ce soit de trop directe, parce qu'il savait qu'il n'avait aucune chance dans un combat qui se jouerait avec les poings. Pourtant, il n'avait pas appris sa leçon, la dernière fois qu'il s'était retrouvé à l'hôpital, puisqu'il continuait encore aujourd'hui de prendre des risques. En même temps, avec des abrutis comme ceux qui venaient tout juste de sortir des toilettes, il ne voyait pas vraiment comment il était censé agir. Il avait déjà essayé de vaincre en duel verbal ce genre d'individus, mais c'est comme si leur cerveau n'arrivait pas à assimiler au-delà d'une limite de trois mots par phrase. Pas étonnant que la plupart de ces énergumènes se contentent de s'exprimer par grognement ou injure.

Ji Won était plus doué que lui concernant le sauvetage des targets, Min Gyu ne le niait pas. Jusque-là, le trèfle n'avait jamais entendu parler, de ses supérieurs ou de ses proches d'une autre famille, du jeune homme. Comme quoi, il parvenait mieux à dissimuler ses traces que lui. Perdu dans ses pensées, il ne songea même pas à arrêter le robinet, qui coulait encore depuis plusieurs minutes maintenant. Il commençait à prendre du recul sur la situation, à se rendre compte qu'en effet, il avait bien foiré ce coup-ci. Non seulement il avait empiré le quotidien du target de tout-à-l'heure, mais en plus de ça, il aurait également pu mettre Ji Won sur la sellette, si le trio maléfique avait fait la sourde oreille à leurs avertissements. Il avait vraisemblablement fait d'une pierre deux coups, dans le mauvais sens du terme.

Absorbé par la sensation d'engourdissement qui se propageait dans son bras grâce à l'eau froide, Min Gyu entendit à peine Ji Won se déplacer pour fouiller dans son sac. Il avalait durement la pilule, et ce que venait de lui dire Ji Won ne l'aidait pas à se sentir mieux. « J'essaie au moins, je pense que c'est déjà mieux que tous ces crétins là-dehors qui ne bougent pas le petit doigt pour les targets.  » répondit-il en arrêtant finalement le robinet, secouant son bras au-dessus de l'évier blanc pour faire descendre les gouttes d'eau restantes de sa peau. Ça le rendait véritablement malade, ces derniers temps, de constater que le système scolaire ici était encore plus pourri que nul part ailleurs.

Pas plus tard que la veille, le trèfle avait été témoin d'un passage à tabac d'un pauvre gosse qui ne comprit même pas ce qui lui arrivait. De ce que Min Gyu avait entendu autour de lui, un type lui avait volé sa carte et laissé la sienne, celle d'un target pendant qu'il dormait. Ce comportement l'avait révolté, mais ce qui l'avait encore plus blessé fut de voir que si les gens formaient un rond autour des agresseurs et de la victime, ce n'était même pas pour lui venir en aide, mais juste pour contempler, avec des yeux de poisson frit. Min Gyu avait tourné le dos à la scène lorsqu'il avait vu un groupe de filles sortir leurs téléphones, pour filmer les coups de pieds que recevait le garçon au sol. C'était un des péchés mignons des plus hauts-gradés de l'école, regarder les vidéos de ce genre, ou un target était victime de mauvais traitements et d'humiliations publiques. Il n'avait jamais cherché sur le blog de la faculté, mais il était plus que certain qu'un site avec ce genre de vidéos avait été crée, juste pour le plaisir.

Lorsque Ji Won revint à ses coté, ce fut pour poser une bombe sur le bord de l'évier. Min Gyu observa la bombe pour se rendre compte que c'était de l'arnica, et il ne put empêcher le coin de ses lèvres monter vers le haut. Pour quelqu'un en-dehors de la filière de médecine, ce serait bizarre voire loufoque que de sortir ce genre d'équipements. Mais quand c'était un futur infirmier, personne ne s'étonnait, et d'ailleurs, c'était toujours vers ces derniers que les gens se tournaient lorsqu'ils avaient un petit bobo. Parce qu'aller à l'infirmerie, c'était courir le risque de se faire traiter de fillette, donc pour les garçons, c'était la pire des punitions en ce monde. Fierté d'homme mal-placée, parce que Min Gyu allait toujours à l'infirmerie. C'était lui demander trop d'effort que de chercher quelqu'un de la filière médecine pour se faire soigner. Et demander son aide à Ji Won était hors de question. Ce dernier tendait sa main en direction de son poignet, et non sans hésitation, Min Gyu lui tendit son bras. « T'es pas obligé. Marcher jusqu'à l'infirmerie ne me tuerait pas. » grommela-t-il, en détournant les yeux.

La sensation froide de l'eau fut remplacée par celle de l'arnica, qui soulagea immédiatement la douleur qu'il ressentait dans son poignet. Sérieusement, si ça ne tenait qu'à lui, il retrouverait le type de tout-à-l'heure pour lui faire regretter son geste. Enfin, s'il n'était pas celui qui était en tort, bien sûr. Il aurait très bien pu le ramener à son roi pour le punir, mais il savait très bien que ce type le balancerait le premier. Déjà que Ji Sung ne le voyait pas d'un très bon oeil, alors si maintenant il découvrait ses agissements envers les targets, c'en était fini de son avenir paisible parmi les trèfles. Il n'osait même pas imaginer ce qui adviendrait de lui si jamais quelqu'un venait à l'apprendre. Et si le duo royal lui retirait sa carte ? Est-ce que c'était même permis ? Il n'en avait aucune idée, mais il craignait que ce soit légal que de rétrograder un subordonné au sein de la famille.

Le silence envahit de nouveau les toilettes, comme si se trouver dans un tel endroit n'était pas assez gênant comme ça. Min Gyu reporta son regard sur le coeur, qui continuait d'inspecter son bras et d'appliquer l'arnica. Il lui était reconnaissait de lui venir en aide, qui ne le serait pas. Il avait presque l'impression de pouvoir compter sur lui, alors qu'il ne faisait confiance qu'à Lawliet en temps normal. Personne ne pouvait être capable de l'attendrir plus que le jeune médium, mais en ce moment-même, il se surprenait à penser que Ji Won n'était pas si mal que ça, concernant cette histoire de s'appuyer sur quelqu'un. Constatant qu'il le fixait depuis trop longtemps, Min Gyu toussa doucement, en essayant de trouver quelque chose à dire. « C'était un hasard que tu entre dans ces toilettes, ou tu avais prévu quelque chose ? » l'interrogea-t-il curieusement, sa voix couvrant le bruit du spray. Il ne s'était jamais posé de questions par rapport au m.o de Ji Won, parce qu'il ne le voyait jamais en personne. Maintenant qu'il pouvait saisir la chance d'en apprendre plus là-dessus sans lui demander directement, il était plus que prêt à ouvrir bien grand ses oreilles pour l'écouter.

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Gods and monsters

Ji Won serait incapable de dire ce qui lui a donné envie de devenir urgentiste en premier lieu. C'était un mélange, un ragoût d’événements passés et de réalisations qui ont fait qu'un beau matin il s'est levé en affirmant clairement son désir de faire médecine. Il n'était pas très jeune, pas très vieux non plus, juste assez des deux pour savoir que ça ne serait pas facile, que ça serait long mais que ça en valait la peine. Parce qu'une personne en bonne santé, vivante et en voie de guérison était la plus belle chose à laquelle un être humain puisse assister. Et lui, il voulait y participer. Il voulait être de ceux qui accueillent un corps en piteux état pour pouvoir le réparer, redonner une flamme d'espoir aux familles en affirmant que le patient est en salle, qu'on prend soin de lui, qu'il a fait tout ce qui était nécessaire et que désormais il suffisait de laisser la personne se reposer. Il voulait être celui qui tiens la main d'un enfant renversé, totalement paniqué, en le sortant de l'ambulance pour l'amener jusqu'au bloc. Celui qui presse contre la plaie béante pour arrêter l’hémorragie. Celui qui cesse de vivre le temps d'assurer la survie d'un autre être vivant. C'était ça, son objectif, sa raison de vivre. Les targets n'étaient qu'une étape dans le processus, un avant-goût, une épreuve à sa résistance mentale. Cet établissement n'était que l'introduction, la préparation au rush incessant de l’hôpital. Et à cette idée, Ji Won se senti intérieurement soulagé d'être plus solitaire qu'autre chose. Car la vie qui l'attendait ne laisserait pas beaucoup de place à une quelconque vie de famille. Il ne verrait pas beaucoup ses amis et aura tout juste assez de temps pour laisser son corps se reposer. Devra-t-il sacrifier sa propre vie pour sauver celle des autres ? Probablement. Est-ce qu'il le regrettait ? Trop peu.

Min Gyu essayait. Oui, il essayait d'aider les targets. Mais ce n'était clairement pas suffisant, ce n'était pas de l'aide à ce stade là, c'était tout bonnement une claque supplémentaire pour ceux qu'il espérait sauver. Ji Won ne baissa pas les yeux lorsque le plus jeune se justifia, il le fixa, calmement, malgré les restes de douce colère logés au creux de ses iris. Il lui en voulait, il lui en voulait de ne pas être venu lui parler. Il lui en voulait de s'être cru assez malin pour se jeter sans précautions dans la fosse aux lions. Mais il n'était qu'une biche parmi les prédateurs. Il ne faisait peur à personne, comment pourrait-il ? Lui qui n'était même pas capable de se protéger lui-même. C'est pour ça que Ji Won était là, qu'il ne cessait de le garder dans le coin de sa vision, qu'il ne se passait pas une journée sans qu'il ne ratisse les bâtiments à la recherche d'une tête blonde. Juste par précaution, pour être certain qu'il ne lui arrive rien. Il ne pouvait pas le protéger H24, mais tant qu'il pouvait, il le faisait. Parce que Ji Won se sentait responsable, que si il avait lui-même était plus discret ce jour-là, Min Gyu n'aurait jamais réalisé que c'était possible d'aider les targets. Il aurait dû en parler avec Ji Won. Cela aurait évité bon nombres de situations compliquées. Mais Ji Won n'était pas vraiment rancunier, sa colère était à l'instar de la passion, vive, intense mais courte dans la durée. Il la sentait déjà s'évaporer alors que ses yeux traînaient le long du poignet de Min Gyu.

Ji Won s'attendait à se prendre une remarque salée suivi d'un très joli va te faire voir lorsqu'il proposa son aide à Min Gyu. Mais à sa grande surprise il lui tendit son bras. Ji Won resta silencieux quelques secondes avant d'enrouler les phalanges de sa main gauche autour de l'avant-bras de Min Gyu, un peu au-dessus du poignet, de sorte qu'il ne lui fasse pas mal. Sa main droite attrapa la bombe de froid. « Je te préviens, ça pue ce truc. » informa Ji Won avec un rictus amusé. Plus d'une fois il avait vu apparaître une mine dégoûtée sur le visage de ses "patients". Alors non, ça ne sentait pas bon, mais c'était efficace et à l'heure actuelle c'est tout ce qui comptait. Ji Won appuya sur la bombe et dirigea l'opercule vers le poignet de Min Gyu. Il ne fallut pas plus de quelques secondes pour que l'odeur n'envahisse toute la pièce, mais avec l'habitude Ji Won avait fini par ne même plus la sentir, cette odeur. Ji Won tourna délicatement le bras de Min Gyu pour que la bombe couvre l'ensemble du poignet. Il devait déjà sentir les effets apaisants de l'arnica.
L'étudiant en médecine se donna du mal pour ne pas relever la tête, pour rester concentré sur ce qu'il faisait. Il sentait le regard de Min Gyu sur lui, il savait qu'il le regardait, il le sentait. Il n'aurait su dire si ça le gênait, ce qui était certain c'est que ça ne lui faisait pas rien. Ce qui était certain c'est qu'il n'était pas encore prêt à croiser son regard, pas de si prêt. Pas encore, ils ne se connaissaient pas assez. Et Ji Won avait besoin de connaître avant de se laisser, et bien, se laisser aller à faire confiance. Il n'avait pas confiance en Min Gyu à l'heure actuelle, peut-être même n'aurait-il jamais confiance en lui. La situation était encore trop tendue et il ne savait rien de lui. Si ce n'est qu'il avait décidé de revêtir une cape à la superman et de venir sauver les petits targets en détresse. Ji Won était perturbé, plus qu'il n'aurait voulu admettre.

Min Gyu toussa et Ji Won reposa la bombe de froid, ne lâchant pas pour autant l'avant-bras du blond. Sa question résonna quelques secondes dans la tête de Ji Won qui resta silencieux. Il baissa la tête et ses sourcils se froncèrent alors qu'il vint enlacer le poignet blessé avec sa main droite. Il commença à effectuer diverses pressions, pour vérifier que tout était à sa place. Il resta silencieux quelques minutes. « Ce n'est pas un hasard. J'avais promis au petit qu'ils ne viendraient plus l'emmerder. Nous venons d'avoir la preuve que je n'ai pas été assez clair avec ces trois idiots finis. » dit-il calmement tout en continuant de tâter le poignet de Min Gyu, attentif à la moindre de ses réactions. « Je les ai vu le traîner par ici. Je me suis dis que j'allais régler cette histoire une bonne fois pour toute. » continua-t-il doucement. Sa colère s'était définitivement envolé, il était bien trop concentré sur le poignet de Min Gyu pour se permettre de rester en colère. « Résultat des courses, j'ai merdé, t'as merdé et le petit va encore s'en prendre plein la tronche. » conclut-il en levant les yeux vers son camarade. Ji Won essaya de ne pas se laisser distraire par ses yeux alors que sa main droite continua son oeuvre. « Dis moi si ça fait mal... » dit-il finalement après quelques secondes de silence, ses yeux sombres toujours braqués vers le visage de Min Gyu.

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Min Gyu ne pensait pas que c'était possible qu'un jour, il ne ressente de la culpabilité envers un target. Normalement, les seuls sentiments qu'il couvait pour eux, c'était de la compassion et de la pitié, mais ça n'allait jamais plus loin. Cependant, son intervention d'il y a quelques minutes à peine lui prouvait le contraire, comme son esprit se trouvait en contradiction avec son cœur, qui étrangement, lui faisait mal rien qu'en repensant au visage ruiné de larmes du target. Qui les avaient fuis, ses sauveurs, parce qu'ils ressemblaient plus à des bourreaux qu'autre chose à cet instant. Il n'avait jamais envié le sort de ceux aux cartes faibles, alors détruire le dernier espoir que ce target possédait d'être sauvé était un coup dur pour le trèfle. Comme quoi, peut-être qu'il aurait mieux fait de se la fermer, de tourner les talons et de sortir des toilettes sans chercher à faire ou dire quoi que ce soit. Mais il savait qu'il en aurait été incapable, non sans se maudire pour le reste de la journée de ne pas avoir fait un geste.  Ah, il était décidément perdu entre agir et ne pas agir.

Au début, avant de tomber sur Ji Won, il avait pensé à opérer passivement, dans le dos de tout le monde. Sauf que ça s'était avéré plus facile à dire qu'à faire, puisqu'à part récolter des informations à droite à gauche sur les différents targets de chaque famille, ce qu'il avait fait ne s'était jamais avéré bénéfique pour ces derniers. Mais visiblement, agir de façon active n'était pas non plus la meilleure chose, du moins pour lui. Il voulait vraiment aider les démunis au sein de cette école, c'était une envie silencieuse qu'il nourrissait comme un foyer chaleureux dans son cœur. Trop de fois dans sa vie avait-il vu des personnes malheureuses et impuissantes, auxquelles l'état tournait le dos. C'était proprement humain que d'être égoïste et de ne penser qu'à sa propre personne, avant celle des autres. Et il trouvait cela terrible, que de se conformer à quelque chose qu'ils n'étaient pas obligés d'être. Tout le monde peut changer, c'est juste que certaines personnes plus que d'autres se donnaient les moyens de devenir quelqu'un d'autre, au lieu de tourner continuellement en rond.

Cette histoire lui rappelait vaguement les rois et reines de chaque famille. Ils avaient leur place au soleil, ils étaient protégés par leur carte. Personne ne pouvait agir envers la trinité, alors tout le monde restait sagement à sa place, un peu comme les moutons suivent leur berger. Min Gyu trouvait cela stupide, que de se laisser guider sans essayer une seule fois de prendre les rênes, de renverser les rôles. Mais il pouvait aussi comprendre pourquoi personne n'essayait de se dresser contre la trinité, parce que les conséquences étaient certainement lourdes dans ce cas. Il ne savait pas si quelqu'un avait déjà mis en place un coup d'état, parce que personne n'en parlait jamais. Peut-être parce que ça datait trop, ou alors parce que personne ne l'avait fait. Une raison de plus pour que les jeunes de la faculté restent de bons sous-fifres dociles et obéissants. Lorsque Ji Won commença à asperger son poignet de spray, le trèfle plissa le nez. « Ouah, c'est vrai que ça a une odeur particulière. Les patients ne doivent pas être accros' à ce truc.  » commenta-t-il, essayant d'ignorer l'odeur singulière de l'arnica qui agressait actuellement ses narines.

Quoi qu'on en dise, il était temps pour quelqu'un de faire quelque chose. Et ce fut de voir Ji Won venir en aide à un target qui poussa Min Gyu à faire de même, à suivre son exemple. Il ne l'avouerait jamais parce qu'en toute honnêteté, il ne tenait pas à ce que le cœur le sache. Même s'il devait largement s'en douter, il préférait se réconforter en se disant que ce n'était pas le cas. Ji Won figurait non pas dans sa liste de proches ou de connaissances, loin de là. Il figurait en tête de la liste des personnes hors-catégorie, ceux qui brisaient le moule et dont il ne pouvait pas clairement cerner les intentions. Il se souvenait avoir ajouté quelque chose comme le messie à coté de son prénom, juste pour se rappeler qu'il était celui qui venait en aide aux targets. Si seulement les gens pouvaient être aussi dignes de respect, songea-t-il en continuant d'observer le haut de la tête de Ji Won, et la façon dont ses mèches violettes formaient une couronne à cet endroit. Il aurait tellement mieux vécu si les cartes n'avaient tout simplement pas existé, ça le rongeait littéralement de l'intérieur de se dire qu'à cause d'elles, il continuait de nager à contre-courant, d'adosser le masque du loup et de croiser ses doigts devant ses "supérieurs".

Ce n'était pas une légende qu'il détestait mentir et inversement. Le mensonge était vicieux, et ça n’avançait clairement à rien, si ce n'est se sortir d'une situation épineuse, mais seulement pour quelques jours voire des semaines. Il n'était pas capable de sentir lorsque les gens en face de lui se permettaient de lui mentir, mais il finissait toujours par le découvrir d'une façon ou d'une autre. C'est principalement pour cette raison qu'il trouvait le fait de mentir pathétique : parce que le piège finirait un jour ou l'autre par se refermer sur l'auteur du mensonge. Autant dire la vérité, quitte à blesser son interlocuteur et risquer une relation, plutôt que de confirmer la mort de cette relation en mentant. Enfin, ça aussi, c'était un de ses rêves éveillés, que les gens apprennent à ne plus mentir. Les gens se moquaient souvent de lui lorsqu'il racontait ses rêves, parce qu'ils ressemblaient tous à une sacrée utopie, celle que vous êtes sûrs et certains qui ne naîtra jamais. Ji Won reprit la parole, le tirant de ses pensées par la même occasion. Alors comme ça, il suivait ce target depuis un moment maintenant. Retenir le sourire qui manquait d'éclairer son visage lui demanda beaucoup d'effort en entendant cela. Ji Won était un vrai changement d'horizon.

Min Gyu se mordit l'intérieur de la joue en entendant la suite. Se sentir coupable n'était définitivement pas une sensation très agréable. « On peut peut-être encore faire quelque chose pour lui. Comme...je sais pas, faire du chantage aux gars de tout-à-l'heure ? » proposa-t-il, avant de se rendre de ce qu'il disait. Se sentant idiot comme jamais, il tourna à nouveau la tête et les yeux. Parce que faire pression sur ce trio diabolique reviendrait non seulement à s'abaisser à leur niveau mais aussi à ne pas valoir mieux qu'eux. Et pour quelqu'un qui tendait ses mains aux targets, ce n'était pas une bonne idée, pas du tout.

Lorsque le cœur releva les yeux pour croiser les siens, Min Gyu se sentit terriblement gêné et vulnérable. Depuis quand laissait-il quelqu'un, surtout quelqu'un comme lui, être aux petits soins avec lui ? Il ne se rappelait même pas de la dernière fois ou il s'était laissé materner par une fille, alors se faire soigner par un garçon ne relevait décidément pas de l'ordinaire. Les doigts de Ji Won parcourait son poignet pour vérifier si tout était en ordre, et le trèfle laissa une grimace remplacer son expression habituelle lorsque ses doigts touchèrent une zone particulièrement douloureuse, du genre qui l'élançait dans tout le bras. « Ça fait mal. » dit-il bêtement, en suivant la demande de Ji Won. Sa main droite était repliée contre le bord de l'évier, ses doigts crispés sur la surface blanche. Depuis quand était-il si faible, surtout lorsqu'il avait l'impression que le regard de Ji Won y était pour quelque chose ?

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Ji Won faisait toujours attention, il ne se passait pas un jour sans qu'il ne soit sur ses gardes constamment. C'était laçant, c'était épuisant. Devoir réfléchir sans arrêt à que dire, quoi faire, comment se comporter. Il pourrait faire sans, mais il s'en savait incapable. Il ne pouvait tout simplement pas se livrer aux loups qui rodaient dans le campus. C'était trop lui demander, lui qui était blessé par une simple remarque, ne serait-ce qu'un regard rempli de jugements à son égard pouvait le faire flancher. Mais il se gardait bien de le montrer. Alors il priait. Il se confessait. Car le seigneur ne le jugeait pas, car il lui pardonnait ses faiblesses. Et Dieu qu'il en avait, des faiblesses. Il avait peur, peur d'être encore abandonné, peur de se tromper, peur de se fourvoyer envers quelqu'un. Ji Won était quelqu'un de facilement blessant, mais tellement plus aisément blessé. Un rien l'atteignait. Aussi essayait-il par tout les moyens de se protéger du monde. Alors il s'enfermait dans ses études, dans le dessin et dans la boxe. Il lisait, apprenait, dessinait et cognait. Il laissait sortir toute cette frustration contre les punching-ball et tout ses désirs et sa détresse par le crayon. Ses peurs se reflétaient sur le papier sous forme de centaures, de phoenix et de divers animaux. Sa rage, cette colère constante explosait dans ses gants. Mais sa peur. Elle, elle restait. Il ne pouvait pas la faire s'évaporer. Parce qu'elle était intimement liée à lui, à ce qu'il avait dans sa tête.

Être surdoué n'était pas un avantage, ça n'avait rien d'un bonus ou de cool. C'était handicapant, c'était pesant, ça entravait son comportement. Parce qu'il réfléchissait trop, parce que du coup il était incapable de réellement se concentrer sur une seule et même chose. Que quelqu'un lui parle du beau temps qu'il serait capable de répondre qu'il ferait mieux de mettre un peu d'argent de côté. Pourquoi ? Parce que l'évocation du beau temps lui aura fait remarqué qu'il a oublié de prendre ses lunettes de soleil. De là il se sera rappelé qu'elles sont cassées, qu'il va falloir qu'il s'en rachète. Mais comme il préfère investir dans des lunettes de qualités il lui faut économiser, parce qu'il refuse de demander d'avantage d'argent à ses parents. Conclusion: il faut qu'il économie. Sa réflexion était infinie, ses pensées lui échappaient et un rien le faisait penser des heures. Et il ne pouvait pas l'arrêter, il n'y avait pas de bouton pause. Son cerveau était un tronc d'arbre et la moindre idée faisait naître une branche, qui se ramifiait d'avantage à chaque seconde. Être surdoué n'était pas un avantage. Lui-même parfois ne parvenait pas à suivre le fil de sa pensée, il trouvait la réponse sans suivre les étapes et une fois qu'on l'obligeait à suivre les étapes il ne trouvait rien d'autre qu'une réponse fausse. C'était frustrant. Son potentiel intellectuel faisait de Ji Won quelqu'un de frustré, parce qu'il aurait aimé être con, il aurait aimé se contenter de vivre comme n'importe qui d'autre. Il aurait volontiers troqué son empathie inquisitrice contre un flegme à toute épreuve. Mais il ne pouvait pas. Alors il s'était résolu à être en marge, à être celui à qui l'on ne parle pas parce qu'il parle lui-même trop fort, trop vite et que la plupart du temps on ne comprend même pas ce qu'il dit. Ji Won s'est résolu à n'être qu'un albatros parmi les mouettes. Incapable de se poser sur Terre sans se péter la gueule sur plusieurs mètres.

Ce target semblait avoir laissé une marque particulière à Min Gyu et Ji Won le remarqua lorsque ce-dernier proposa qu'ils aillent faire du chantage aux trois idiots de tout à l'heure. Un sourire en coin vint se former sur les lèvres fournies de Ji Won. Le chantage...il avait déjà essayé, y a longtemps, et ce n'était pas une bonne idée. Il s'en est sortie avec le tibias en compote et une épée de Damoclès sur le haut de son crâne. Heureusement pour lui, l'auteur de la fracture avait quitté le campus quelques mois plus tard. Renvoyé. La raison ne lui avait jamais été communiqué, et il s'en fichait pas mal. Il était parti, c'est tout ce qui comptait. Mais si la proposition de Min Gyu était absolument inenvisageable, Ji Won ne pu se retenir de réfléchir. Réfléchir à un moyen d'aider ce target. Ils venaient de lui promettre de longues semaines de lynchage assuré. Il fallait qu'ils se rattrapent. Tout les deux. Ji Won resta silencieux, il réfléchissait à une solution. Il allait la trouver, ce n'était qu'une question de temps. En attendant, il se concentra à nouveau sur le poignet de Min Gyu. Ses doigts agiles, en opposition avec le reste de son corps qui était surement le plus maladroit de l'univers, parcoururent la peau à disposition. Il vérifia que rien ne bougeait d'une façon dont ça n'était pas sensé bouger, il prit soin à ne pas trop forcer, pour éviter d’aggraver une potentiel fracture. Min Gyu allait devoir aller à l'infirmerie, de toute manière. Hors de question que Ji Won le laisse se trimbaler dans l'université sans être certain qu'il n'avait rien manqué. Il apprenait encore, peut-être manquait-il quelque chose de très grave. L'arnica avait apaisé la douleur, elle ne l'avait pas annihilé, il restait peut-être quelque chose de muet pour l'heure mais qui se mettrait à hurler dès lors que quelques heures se seraient écoulées.

Un léger recul de la part du jeune homme fit comprendre à Ji Won qu'il avait atteint un point sensible. Les paroles du concerné vinrent confirmer quelques secondes plus tard. « Ok, je pense pas que ça soit cassé. C'est surement foulé...Ne bouges pas. » dit-il en lâchant le poignet et l'avant-bras de Min Gyu. Il se dirigea à nouveau vers son sac, reprenant la bombe de froid au passage qu'il fourra dans la première poche du sac. Il fouilla quelques secondes dans cette même poche et en ressortie un petit rouleau de bandage adhésif. Il allait devoir immobiliser le poignet le temps qu'il se rende à l'infirmerie. Il rejoint Min Gyu et reprit son bras dans sa main gauche. « Je vais te faire un strapping pour éviter que ça ne bouge de trop. Ça tiendra jusqu'à ce que tu ailles à l'infirmerie, là-bas elle sera capable de te dire si tu dois simplement laisser ton poignet reposer quelques semaines ou si tu dois aller faire des radios. » expliqua-t-il en regardant Min Gyu. Il tenait à lui expliquer ce qu'il allait faire, sachant qu'il détestait personnellement ne pas savoir ce qu'on lui faisait, ce qu'il se passait. Il voulait tout savoir, pour ne rien ignorer, pour être au courant, pour pouvoir réagir. Il se mit à dérouler la bande adhésive et immobilisa le poignet de sa main gauche. En moins de quelques secondes il était attelé à enrouler et immobiliser le poignet rougis de Min Gyu. Ji Won était aussi délicat que possible, il ne voulait pas lui faire plus mal qu'il n'avait déjà. Il ne voulait pas le heurter, le blesser, le briser. Min Gyu semblait fragile, il n'avait pas la stature des gros durs et parfois il donnait l'impression de pouvoir se briser en un claquement de doigt. Et d'une certaine manière, ça angoissait Ji Won. Un peu. Trop peu pour qu'il ne se pose des questions. Après tout, il craignait pour la santé et le bien-être physique de beaucoup de gens, pourquoi se questionner d'avantage sur Min Gyu ? Cela ne faisait pas sens.

Le strapping fut rapidement fini et Ji Won se redressa, se retournant pour pouvoir ranger le rouleau dans son sac. Il referma la fermeture éclair et se releva. « Pour ce qui est du target...Je suis certain que l'on peu réparer notre gaffe. Mais pour ça va falloir qu'on bosse ensemble pour cette fois. On peut pas partir chacun de notre côté et espérer régler cette histoire de la meilleure façon. Parce que ça c'est couru d'avance que ça ne marchera pas. » dit Ji Won en se retournant vers Min Gyu. Était-il réellement en train de lui proposer de bosser ensemble ? Oui. Est-ce que ça voulait dire qu'il en avait envie ? Pas spécialement. Ji won était du genre à travailler seul, et cela avait toujours marché jusqu'à présent. Mais peut-être allait-il enfin réaliser que marcher seul ce n'était pas nécessairement la meilleure des solutions.
 

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Il lui arrivait de songer à laisser tomber, de tout simplement baisser les bras et de fermer les yeux sur les injustices qui se tramaient au sein de cette école. Parce que même si il rejoignait la cause de Ji Won, ils étaient quoi, deux en tout et pour tout ? Contre plus de 100 autres étudiants qui avaient leurs dents bien accrochés au système des cartes, et qui refuseraient de s'en débarrasser comme eux ? C'était désespérant d'y penser, et c'est principalement la raison pour laquelle Min Gyu évitait le plus possible ce genre de pensées. Mais après ce qui venait de se passer, il ne pouvait que réfléchir à ce qui pourrait advenir dans le futur, à leurs sort à tous les deux. Même si, Ji Won serait peut-être assez rusé pour tirer son épingle du jeu et réussir à s'en sortir. Min Gyu n'avait pas vraiment peur de ce qui pourrait lui arriver, il espérait juste ne jamais devoir à endurer ce que les targets enduraient. Il n'avait rien d'un battant, et même si il s'amusait à faire croire qu'il avait un mental à toute épreuve, ce n'était qu'une vulgaire façade pour dissimuler ses véritables émotions. Il n'avait jamais aimé se retrouver nu sous le regard de quelqu'un, et bizarrement, c'était à peu près ce qu'il ressentait à chaque fois que les yeux de Ji Won se posait sur lui.

C'était triste que de se dire que si rien ne changeait, c'était uniquement parce que personne ne bougeait son cul pour inverser le cours des choses. Les hauts-gradés refusaient de faire le moindre geste parce qu'ils étaient à l'aise avec leur carte et position actuelle, et si le trèfle avait cru un bref instant que les targets seraient les premiers à se rebeller, il avait bien tort ; ces derniers attendaient vaillamment le jour ou ils pourraient obtenir une carte puissante, et ainsi réduire à néant leurs bourreaux. Pourtant, ils devraient savoir que comme dans les films, les vengeances personnelles ne menaient jamais à rien. Si ce n'est encore plus d'injustice et de malheur. Le roi des trèfles avait beau dédaigner Min Gyu de tout son être, ce dernier ne lui souhaitait pas de se retrouver en bas de l'échelle sociale. Parce qu'il le considérait toujours comme un ami, personnellement, et ce même si ces sentiments n'étaient pas partagés.

Lorsque Ji Won parla de foulé, Min Gyu sentit ses épaules s'affaisser quelque peu. Déjà qu'il n'avait jamais le courage de rien faire en pleine journée, alors si en plus il devait supporter un poignet invalide pour quelques jours voire semaines, il risquait fort de régresser concernant son évolution d'être humain. Il allait probablement passer ses journées enroulé dans ses couvertures en attendant que son poignet ne bouge correctement sans lui faire mal, et manquer ses cours pour une juste cause. Ce n'était pas si grave, de toute façon, il n'aurait qu'à rattraper ses cours en travaillant la nuit. Ce n'était qu'une question de volonté, encore une fois, et ça risquait fort de présenter un problème pour lui, lui le paresseux du dortoir des trèfles. Min Gyu ne put qu'acquiescer vaguement de a tête aux explications de terme médical du cœur, perdu mais plutôt impressionné. C'est qu'il connaissait bien son métier, ce n'était pas juste pour se donner une allure. Plus Min Gyu en apprenait sur Ji Won, et plus il sentait que ce type était vraiment quelqu'un de bien. C'était un feeling qu'il n'avait qu'avec très peu de gens, et il espérait ne pas se tromper. Mais pour le moment, Ji Won était tout sauf quelqu'un dont il devait se méfier. Non seulement il avait essayé de sauver un target, mais il l'avait également sauvé lui, alors qu'il aurait très bien pu le laisser se débrouiller avec ses assaillants.

Tout en observant son poignet désormais immobilisé et couvert de bandes, Min Gyu écoutait attentivement les paroles de Ji Won, qui avait repris son sac. D'ailleurs, ou était le sien ? Après l'avoir cherché du regard, Min Gyu le trouva et le ramassa de sa main valide, pour passer une bretelle sur son épaule. Maintenant que la douleur de son poignet s'était calmée, son esprit devenait plus serein aussi. Et par conséquent, il retrouvait son mordant habituel. « Travailler ensemble, vraiment ? Je veux dire, on n'aura pas l'air louches si les gens nous voient ensemble régulièrement ? » Il savait que son roi était du genre paranoïaque, surtout en ce qui le concernait, et cela ne l'étonnerait pas d'apprendre que du jour au lendemain, Ji Sung avait fait sa petite enquête sur lui et son entourage.

C'est en sentant son téléphone portable dans la poche de son jean que Min Gyu songea à une solution, à laquelle Ji Won avait surement déjà pensé. « Et si tu me donnais ton numéro ? On pourraient parler sans courir le risque de se fréquenter. » expliqua-t-il en sortant son portable, et en le secouant entre ses doigts. Au moins, s'ils ne se voyaient pas, personne ne chercherait à comprendre comment deux types aussi différents qu'eux avaient pu se rencontrer et rester ensemble. Ce n'était pas la meilleure solution, et il en était conscient, mais il ne pouvait pas réfléchir à autre chose que son poignet qui pendait à ses cotés, et de ses doigts qu'il arrivait à peine à bouger. Il avait besoin de filer à l'infirmerie le plus vite possible pour savoir si il devait se rendre à l'hôpital. Quoique, le trèfle avait bien envie de retourner directement à sa chambre, comme si de rien n'était. Il ne savait pas si c'était assez bénin pour guérir tout seul, mais il n'avait pas envie du tout d'apprendre qu'il devait aller à l'hôpital. Son dernier séjour à l'hôpital lui ramenait toujours de vieux souvenirs désagréables lorsqu'il devait y retourner, alors s'il pouvait échapper à cette punition, c'était avec plaisir qu'il se transformait en petit délinquant de coin de rue.

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Gods and Monsters

Il fallait du temps pour que Ji Won accorde sa confiance. Son amitié n'était jamais donné et il ne s'était jamais réellement laissé allé à éprouver plus qu'une forte affection envers quelqu'un. Si ce n'est Jake et Ma Ru. Deux tentatives qui s'étaient transformées en échec fumant. L'un ne l'aimant pas, l'autre l'aimant trop. Trop fort. Trop intensément. Avec trop de peur, trop d'incertitudes. C'est exactement ce qu'était Ji Won. Incertain. Tout le temps. Il avait souvent fait l'erreur d'accorder sa confiance à des gens qui n'en firent pas bon usage, qui s'en servir pour lui faire du mal, le tourner en ridicule, se moquer de lui. Car il restait une bête de foire. Une bonne attraction dans laquelle il était facile de hurler de rire. Parce que Ji Won ne se rendait pas tout de suite compte qu'on lui voulait du mal, parce qu'il a déjà trop de fois pris le chemin de la maison un soir d'école avec le souvenir amer d'une dizaine de doigts pointés vers lui, et les rires...les rires en échos. Cruels. Moqueurs. Assassins. Ji Won était déjà trop de fois morts sous les rires meurtriers de ses camarades. Il avait fini par bénir chaque déménagement, chaque promotion, chaque excuse pour changer de collège, puis de lycée. En arrivant à Busan, il s'était fait une promesse. Plus de confiance, plus si facilement. Alors il avait commencé à se créer cette carapace, cet ensemble de réactions stériles face aux autres. Étrangement, on ne vint plus l'embêter, on ne le chercha plus autant. Peut-être était-ce la solution finalement. Se fermer aux autres. Devenir une figure stoïque qui se contentait de regarder dans le fond de la classe en n'ouvrant la bouche que lorsque c'était nécessaire et pas autrement. Une personne dont on n'oublie presque l'existence jusqu'à ce qu'elle sorte de classe. Ou jusqu'à ce qu'elle laisse tomber son stylo, en s'excusant du regard au professeur pour avoir ainsi perturbé son discours.

Ji Won s'était obligé à changer. Il était passé de l'enfant qui donne trop, à celui qui préfère mourir avant d'offrir.

Min Gyu ne méritait pas encore sa confiance. Peut-être un jour. Oui, surement un jour. Il semblait plein de bonnes intentions et derrière son apparence de je-m'en-foutiste, Ji Won décelait quelque chose. Il ne savait pas encore quoi, peut-être qu'il n'y avait rien du tout, mais il sentait quelque chose. Un espoir ? Une chance ? Du potentiel, peut-être. Ji Won décide que Min Gyu valait le coup de rester, valait le coup de risquer une énième blessure. Parce qu'il semblait réellement concerné par ce jeune target et que dans cet établissement ce n'était le cas de personne d'autre. Chaque personne traversant les halles de l'université n'avaient que faire des target, dans le meilleur des cas ils réfléchissaient à un autre moyen de leur rendre la vie impossible. Leur voler des affaires ? Non, trop gentil. Les pousser dans les couloirs ? Trop généreux, pas assez marquant. Le temps où un mot de travers retournait l'estomac était révolu. Désormais les petits jeux de maternels s'étaient transformés en allé simple pour l'hôpital. Là-bas ils prétendraient être tombés dans les escaliers. Ce qui n'était pas faux. Ils omettraient seulement de dire que ça n'était pas arrivé sans aide. Parfois Ji Won se réveillait avec l'envie profonde de rester dans son lit, de ne pas se lever, de rester cloîtrer chez lui. Se fermer au monde, oublier ce monde. Un monde où les rois et reines sont à nouveau acclamés dans une époque qui semblait pourtant avoir compris qu'une quelconque royauté n'avait rien de bon. Qui était donc l'idiot qui avait crée ce concept ?

Ji Won entendit Min Gyu bouger, il le devina récupérant son sac lorsque le bruit du tissue que l'on ramasse vint frôler ses oreilles pour confirmer ses soupçons. Ji Won jeta un rapide coup d’œil au garçon, vérifiant qu'il n'utilisai pas son poignet fragilisé. Juste une précaution, parce qu'il en avait déjà vu des vertes et des pas mures. Il traînait dans ces lieux des êtres doués de peu de jugeote et Ji Won fut soulagé de voir que Min Gyu n'en faisait pas parti. La réflexion du trèfle se fit rapidement entendre et Ji Won resta immobile quelques secondes. Le prenait-il pour un idiot ? Est-ce qu'il avait l'air si con que ça ? Bien sûr que les gens se poseraient des questions. Rien ne restait secret longtemps à Busan et Ji Won le savait parfaitement. Il ne fallut pas plus de trois semaines pour que son homosexualité fasse le tour des chaumières. On apprenait un lundi matin ce que celle-ci avait dit un vendredi après-midi et on se moquait le soir de la gaffe du matin, si ce n'est l'après-midi déjà. Bien sûr qu'ils ne pourraient pas discuter ici, bien sûr qu'ils ne pourraient jamais rester plus de deux minutes proche l'un de l'autre sans qu'on les observe avec méfiance. Parce que deux personnes de famille différente qui se fréquentent, ça créait toujours des soupçons et des rumeurs. Parce que les Trinités n'acceptaient pas ça. Les amitiés étaient déjà que trop peu tolérés dans les familles attachées aux valeurs des cartes, du jeu, de cet ensemble de chaines en carton que les étudiants s'imposaient en souriant. Blessé dans son orgueil, Ji Won resta cependant silencieux, parce qu'il n'était pas du genre à répondre tout de suite lorsqu'un propos le heurtait. Non, parfois il ne répondait pas, mais il se souvenait toujours.

Peut-être que Min Gyu ne voulait pas de se travaille d'équipe. Peut-être ne voulait-il même ne rien avoir à faire avec Ji Won. Cette rencontre dans les sanitaires étaient un pur hasard et peut-être que leurs futures rencontres devraient le rester. Le cerveau de Ji Won réfléchissait à tout allure lorsque le trèfle proposa d'échanger leurs numéros. Visiblement surpris, Ji Won ouvrit la bouche avant de la refermer aussitôt. Min Gyu ne refusait pas son aide, et d'une certaine façon ça l'affectait dans un sens qu'il ne comprenait pas réellement. « Bonne idée. Hum...dis moi quand tu peux noter... » répondit Ji Won avant de se taire à nouveau. Il attendit que le trèfle relève les yeux vers lui pour énoncer son numéro. « 010 9818 9385...je te laisse m'envoyer un message. Je saurais que c'est toi, je t'enregistrerais... » dit-il doucement. Il avait perdu toute sa confiance d'il y a quelques instants. Lorsque Ji Won devait expliquer telle ou telle blessure, telle ou telle traitement, sa voix était stable, affirmée. Il savait de quoi il parlait. Si tôt que la discussion sortait de ce domaine, il perdait de sa confiance. Et il détestait ça. Parce que d'ordinaire il réussissait à masquer cette perte en arborant son masque de neutralité profonde et de flegme intense. Mais pas là. Pas avec Min Gyu.

 

crackle bones

Il n'avait jamais voulu venir en aide à quiconque, proposer une main chaleureuse en offrant son cœur sur un plateau doré, alors que la plupart de ceux vers lesquels il se tournait, finirait un jour ou l'autre par le trahir. S'il compatissait au sort de ceux possédant les cartes les plus faibles de chaque famille, il ne comptait pas sur eux. Parce qu'il avait un mauvais pressentiment envers toute cette histoire de sauvetage, parce que dans les livres et les films, le héro finissait toujours avec un couteau dans le dos. Les targets ne seraient plus aussi idiots qu'ils en avaient l'air aujourd'hui, lorsqu'ils tomberont sur une carte plus puissante que d'autre. Fini le temps des mauvais traitements infligés par la communauté à un seul individu, fini l'isolement. Une fois au pouvoir, ceux qui s'avéraient être les plus manchots des familles deviendraient des atouts incomparables. Parce qu'ils auraient la vengeance coulant dans leurs veines, nourrissant l'organe qui battait au creux de leur poitrine. Min Gyu était très sincèrement partagé sur les targets. Après tout, rien ne leur assurait que leurs petits protégés leur rendrait la pareille lorsque les rôles seront inversés. Le pouvoir charme et hypnotise plus d'un homme, comme les sirènes des temps modernes.

Le sentiment de faiblesse qu'il avait ressenti durant la brève période de soin que Ji Won lui avait accordé il y a de cela quelques secondes, le trèfle se rendit compte qu'il venait à peine de se réveiller, mais que cela ne voulait pas dire qu'il n'avait jamais existé en premier lieu. Cette pensée assombrit son regard tandis que de sa main valide, il caressait le bandage autour de son poignet meurtri. Il avait beau arborer avec fierté le nombre du 7 des trèfles, il n'avait jamais été en position de force et ce depuis le départ. Entre une reine qui s'était allègrement jouée de lui et un roi qui refusait de reconnaître un ami qu'il avait connu autrefois, il avait eu sa petite place toute chaude sur la sellette après quelques jours seulement. Quelques jours et de nombreuses erreurs, trop nombreuses visiblement, puisqu'il s'était mis à dos non seulement le duo royal de la famille, mais aussi et surtout tout ceux qui croyaient en eux et les suivaient aveuglément. Il n'avait jamais été capable de se montrer fort, assez fort pour rétorquer quoi que ce soit aux ordres de son roi ou réfuter les propos de sa reine. Ce n'était pas surprenant que les gens l'approchent uniquement dans le but de se servir de lui, puisqu'il ne voyait que du feu à leur mascarade, du début jusqu'à la fin.

Min Gyu jeta un coup d’œil furtif en direction du cœur, qui attendait près de la porte des toilettes. Sa méfiance revenait lentement mais surement, comme si elle avait elle aussi été soignée par l'arnica posé sur son bras. Il admettait volontiers que Ji Won l'avait soigné, mais qui lui disait que ce n'était pas quelque chose qu'il avait prévu depuis longtemps déjà ? Etant donné le cerveau hyperactif de ce dernier, il n'aurait pas été étonné d'apprendre que Ji Won tirait les ficelles dans l'ombre depuis leur première rencontre. Il n'avait jamais cru au hasard, et une partie de lui voulait céder à l'autre, celle qui lui disait que Ji Won était véritablement quelqu'un de bien. Mais son bon sens continuait de résister, de nourrir des soupçons envers le cœur. Ils se connaissaient à peine, pour tout dire, tout ce qu'ils savaient l'un sur l'autre, c'est qu'ils étaient tous deux déterminés à sauver les targets. Et ce n'est pas ce qui déterminait la valeur d'un individu, loin de là. Voilà qu'il re-commençait à réfléchir intensément, comme lorsqu'il comptait chacun de ses pas ou qu'il préparait mentalement à ce qu'il allait dire en abordant telle ou telle personne.

Rien ne lui prouvait la bonté de Ji Won, absolument rien. Ce pourquoi il devait rester sur ses gardes, ne pas se laisser tomber dans le quelconque piège que ce dernier pourrait lui tendre plus tard. Il savait mieux que quiconque qu'une relation basée sur la méfiance et le doute n'était pas faite pour fonctionner, mais il ne pouvait pas faire autrement. Il ne pouvait pas juste jeter son cœur à n'importe qui en attendant que ces derniers daignent le prendre et le couver tendrement. Parce que la dernière fois qu'il l'avait fait, il avait dû récolter un par un les morceaux de son coeur, sans aucun espoir de les re-coller. Et puis, ce n'est pas comme si il allait se sentir coupable vis-à-vis de Ji Won. Il ne le considérait que comme un allié, rien de plus. Le plan de dernier recours envers les targets, plus lui. Ils n'allaient pas devenir des amis inséparables juste en ouvrant une porte de secours pour les plus faibles. Une fois que tout ça serait terminé, ils iraient chacun sur leur propre chemin, pour poursuivre leurs vies respectives. Enfin, si ça se finissait un jour, bien sûr, et il n'en était pas sûr. Il n'était pas sûr de beaucoup de choses, malheureusement.  

Ji Won accepta l'idée d'échanger leurs numéros de téléphone, et Min Gyu fouilla aussitôt son sac à la recherche d'un stylo quelconque et d'un morceau de papier sur lequel il pourrait noter le numéro du cœur. Après avoir gribouillé rapidement et avec l'écriture d'un médecin, les douze chiffres sur le papier, il le glissa dans la poche de son jean. « Si je ne m'endors pas, et ça je ne peux pas le promettre. » déclara-t-il en guise de réponse. Ce n'était pas très malin de sortir ce genre de conneries, surtout avec quelqu'un d'aussi réfléchi que Ji Won. Mais le trèfle était humain et il était surtout très je-m'en-foutiste. Il disait ce qu'il voulait quand il voulait, et les conséquences pouvaient bien aller se faire voir. Il remarqua la voix de Ji Won, qui s'était considérablement adouci par rapport à la voix complètement neutre avec laquelle il avait expliqué de long en large certaines choses, et surpris, il se sentit baisser sa garde à nouveau. Bon sang, c'est que ce garçon était soit décontenançant pour lui tout particulièrement, ou alors il avait un excellent jeu d'acteur.

Quoi qu'il en soit, ses doigts s'engourdissaient à force de rester immobilisés. Rappelé une fois de plus à l'ordre par son corps, Min Gyu fit la moue en observant son bras. Sérieusement, les limites du corps humain, c'était juste ennuyant. Terriblement gênant lorsque la situation demandait une force quasi-surhumaine pour vaincre. Enfin, ce n'est pas comme si il pouvait muscler son ventre plat de chez plat du jour au lendemain, et comme il n'avait même pas le courage de se lever pour éteindre la lumière lorsqu'il allait dormir, il ne risquait pas de se transformer en bodybuilder. Son regard fit l'aller-retour entre Ji Won et la porte des toilettes, qu'il poussait déjà pour sortir. Bizarrement, il se sentait mal-à-l'aise de terminer leur petite discussion comme ça. « Accompagne-moi à l'infirmerie. » lâcha-t-il abruptement, dans une vaine tentative de proposer poliment au coeur de le suivre. Parce que même si Ji Won était intelligent, Min Gyu doutait qu'il puisse battre trois types qui réfléchissaient avec leurs muscles avant leur cerveau. Et peut-être aussi parce qu'il avait lui-même très peu envie de retomber sur eux après la mésaventure de son poignet. Et comme il était incapable de prononcer des mots comme s'il-te-plait, c'était tout ce qu'il était capable de faire pour s'exprimer.

©Pando

Gods and Monsters

Parfois il aurait voulu un moyen de s'extraire au monde. Juste quelques instants, le temps de remettre ses idées en place, de faire le point. Tout allait si vite dans sa tête et trop peu de choses faisait sens. Il aurait eu besoin d'un lieu de sérénité, un endroit où le calme règne. Quelque part où il n'aurait pas a craindre que quelqu'un ne vienne et le frappe par derrière, le prenant par surprise, profitant que ses murailles soient affaiblies, qu'il est ôté son masque. Seulement le calme, le silence, la paix. Mais un tel endroit n'existait pas. Pendant quelques temps il trouvait cette échappatoire en Eun Sil, sa petite sœur, la prunelle de ses yeux. Lorsqu'elle était plus petite, lorsqu'elle posait encore des yeux éveillés sur le monde, lorsqu'elle voyait encore Ji Won comme son preux chevalier venant sauver sa poupée d'une mort certaine. Mais leur relation changeait aussi vite qu'elle grandissait et qu'il avançait dans sa propre existence. Il le savait, qu'un jour viendrait où elle lui lancerait une remarque acerbe, injustifiée. Parce que chaque enfant passe par là, parce qu'elle n'échapperait pas à la crise d'adolescence. Ce jour-là, d'une certaine manière, Ji Won aimerait ne pas être là. Parce qu'il le sait, que ça lui fera du mal. Elle a qui il avait promis de tout donner. Il ne pouvait pas la protéger de sa propre évolution...
Ji Won n'avait plus d'échappatoire au monde, il n'avait plus d'oasis en plein désert. Il n'y avait que lui, le monde et ses loups affamés.

Il détestait se sentir faible. Il détestait avoir peur tout comme il haïssait ce sentiment de désespoir lorsqu'il réalisait qu'une énième personne s'était joué de lui. Trop bon, trop con. Son empathie maladive faisait de lui un Saint-Bernard né, et ça avait été compliqué pour Ji Won de se rendre compte, de réaliser, de s'avouer qu'il ne devrait plus l'être, que ce n'était pas bon. Ca avait été dur pour lui de découvrir que des gens pouvaient vouloir le mal de quelqu'un. Lui qui était si bon de nature avait été choqué le jour où il apprit qu'on pouvait être méchant volontairement. Parce que jamais ça ne lui aurait traversé l'esprit. Jamais. Et encore à ce moment là, dans ces sanitaires douteux, il se savait incapable de blesser quelqu'un. Pas par plaisir, pas volontairement. Il savait avoir déjà causé des souffrances, qu'elles soient infimes ou importantes, et rien que cette idée le rendait malade. Parce qu'il n'était rien d'autre qu'un utopiste, qu'il voulait le bonheur de tout le monde et que plus personne ne souffre. Mais c'était impossible, improbable. Et ça aussi, il le savait. Alors il se contentait de laisser échapper un soupir fatigué lorsque Min Gyu parla de s'endormir, qu'il ne promis pas d'envoyer un sms. Soit. Ji Won aurait voulu lui lancer une remarque acerbe, lui rappeler qu'il n'est rien pour lui et que ça ne changera rien à sa vie. Mais il se retint. Parce que oui, si Min Gyu ne représentait pas grand chose pour le moment, c'était également son cas. Qui était-il ? Juste un gars qui se prend pour un super-héros et qui sait faire des strapping. Wahou. Merveilleux. Cette réalisation le fit déglutir et le fit se sentir mal, presque triste. Il ne savait pas pourquoi. Ou peut-être que si, surement que ça ne l'intéressait pas. Ji Won ne voulait pas savoir, il n'avait pas la tête à ça. Il devait décrocher son doctorat et sauver la mise au plus grand nombre de target avant l'échéance de ses études. C'est tout ce qui comptait.

Ji Won se retourna vers la porte des toilettes et posa la main sur la poignet lorsque la voix de Min Gyu interrompit son geste. Il lui demandait de l'accompagner à l'infirmerie. Un soulagement furtif traversa son visage. Il allait aller à l'infirmerie, c'était bien. Ji Won ne se sentait pas prêt à le surveiller encore plus pour être certain que son poignet ne se ferait pas la mal un peu plus chaque jour. Il n'avait pas le temps et il n'avait pas que ça à faire. L'espace de quelques instants il se demanda même pourquoi il faisait ça. Pourquoi est-ce qu'il se débrouillait toujours pour croiser le chemin de Min Gyu, chaque jour, pour être certain que tout allait bien ? Qu'il ne s'était pas attiré plus d'ennuis ? Il n'était pas son ange gardien, il ne le serait jamais. Ji Won n'avait ni ailes, ni halo de lumière. Juste sa tête, son coeur et sa bombe de froid. Il n'allait sauver personne, encore moins quelqu'un qui ne voulait pas réellement de son aide. Parce qu'il en était presque certain, si tôt que Min Gyu pourrait se débrouiller seul, il oubliera Ji Won. N'était-ce pas ce qui était déjà en train de se passer ? N'était-ce pas ce qui été en cours depuis le début ? L'ignorance. L'incapacité à vouloir en apprendre plus sur l'autre. Peut-être étaient-ils trop différents pour être amis. Malgré ça, Ji Won ne pouvait s'empêcher d'être responsable du sort de Min Gyu. Parce que c'était à cause de lui qu'il se retrouvait à vouloir aider les target. Sans Ji Won, Min Gyu ne se serait pas retrouvé avec un poignet immobilisé. Peut-être que ça aurait été mieux comme ça, pour tout le monde.

Ji Won se retourna et releva un sourcil. Était-ce une question, ou un ordre ? L'étudiant plongea sa main dans la poche de son jean sombre et en sortie son portable. Il appuya sur une touche située sur le côté de l'écran et du retenir une grimace lorsqu'il déchiffra l'heure affichée. Il releva le visage vers Min Gyu et lança: « T'es un grand garçon, tu vas devoir y aller tout seul. Je suis déjà en retard. ». Ji Won rangea le portable à sa place d'origine et appuya sur la poignet. A mi-chemin il tourna une dernière fois sa tête vers le blondinet « Fais attention. » dit-il finalement avant de quitter les lieux, ne laissant derrière lui que la trace de son parfum sucré.



 

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