park ji won ± nothing but a heartless lullaby.

my story ₪

14 novembre ± dix ans.
Je me rappelle parfaitement de la première fois où j'ai croisé le regard de Eun Sil. C'était à l'hôpital et je n'avais pas plus de dix ans. Papa était venu me chercher à l'école, chose inhabituelle si vous connaissez mon paternel. Sur le trajet nous menant à l'hospice je m'étais posé une centaine de questions. Était-il arrivé quelque chose à maman ? Pourquoi papa était-il venu lui-même ? Est-ce que nous allions réellement à l'hôpital ? Est-ce qu'il y avait eu un problème avec le bébé ? Pourquoi j'étais le seul dans la voiture ? Pourquoi mes plus jeunes frères n'étaient-ils pas là ? Une tonne de questions, qui tournèrent dans ma tête sans cesse, à m'en donner le tournis et la nausée à un tel point que je du faire arrêter la voiture, sortir de l'habitacle et courir quelques mètres plus loin soulager mon malaise soudain. Mon père me lança quelques remarques et je remontais dans la voiture direction l'hôpital. La relation que j'entretenais avec mon père était dès plus solennel mais néanmoins affectueuse. Nous nous aimions mais il était hors de question d'en montrer le moindre signe, en public ou à la maison. Interdit. Car nous étions les hommes de la maison, en aucun cas nous ne devions montrer de signes de faiblesses. Et dans son âme l'amour et les effusions affectives étaient des faiblesses, des preuves de failles existantes. Alors nous n'avions jamais échangé plus qu'une fière poignée de main lorsque je ramenais les meilleurs résultats aux divers devoirs scolaires. Mais c'était comme ça, et je m'en accommodais. Ça m'allait.

Nous sommes arrivés à l'hôpital une vingtaine de minutes plus tard et je suivis les pas décidés et pleins d'assurances de celui grâce à qui j'étais sur cette planète. Les couloirs défilèrent, les portes, les numéros, les blouses, les instruments médicaux, les odeurs diverses de désinfectant et autres produits médicinaux. De la javelle aussi. Puis il tourna à gauche et ouvrit une porte qui nous mena dans une chambre privative. Je rentrais à la suite de mon père et me figea lorsque je posais mes yeux sur le lit face à l'entrée. Ma mère, allongée, souriante, me regardait. Et dans ses bras, un bébé. Son bébé. Elle avait accouchée. C'était donc ça...D'un geste maternelle elle m'intima d'avancer plus près, de venir dire bonjour à ce petit être lové contre elle. Durant quelques secondes j'éprouvais un légère jalousie envers ce bébé. Car il allait voler du temps, il allait voler de l'attention, comme l'avaient fait auparavant mes deux petits frères. J'allais à nouveau me sentir léser et terriblement seul. Mais l'amertume s'envola lorsque mes yeux sombres rencontrèrent ceux identiques de ce petit être. " Elle s'appelle Eun Sil. " me confia doucement ma maman. Eun sil...une petite soeur. J'avais une petite soeur. Et à cet instant, lorsqu'un sourire pure vint se dessiner sur le visage du poupon, je me promis de toujours veiller sur elle. Personne ne lui ferait du mal, jamais, j'en faisais le serment.

20 mars ± quinze ans.
La porte claqua derrière moi alors que mon regard fixait le sol. Un sol qu je ne connaissais que depuis deux mois et déjà il me donnait envie de vomir. Mes pas étaient rapides, je les voulais le plus rapide possible, pour pouvoir atteindre ma chambre sans encombre, sans croiser quiconque. Je ne devais croiser personne. Mes mains pendant le long de mon corps je frôlais les murs du couloir à grande vitesse avant d'ouvrir à la volée la porte de ma chambre, la refermant de la même manière que j'avais fermé la porte d'entrée. Je ne fus qu'une suite de mouvement précipités et maladroits alors que je fonçais vers mon lit, me laissant tomber sur son côté. A genoux, je posais les coudes sur la surface plate du mobilier. Mes mains se joignirent rapidement alors qu'elles tremblaient frénétiquement. La peur, la colère, le stress, la douleur, l'adrénaline. Seigneur, commençais-je dans ma tête et s'en suivit une longue prière. Que dieu veille sur moi, qu'il me protège. Je croyais en lui, en sa bonté, en sa volonté de faire de moi quelqu'un de bien. Et je savais que chaque acte, chaque événement était de sa volonté. Et si il voulait que je vive cela, c'était pour une raison. J'ignorais simplement laquelle. Alors je priais, là, accoudé à mon lit, les phalanges rouges et les larmes s'écrasant contre le col de mon t-shirt. Je priais pour que ce calvaire prenne fin, pour que mon père soit à nouveau promu, que l'on quitte cet endroit, ces gens, ces poings et ces insultes quotidiennes.

2 août ± dix-huit ans.
Je ne m'étais jamais posé de questions à ce sujet. A vrai dire, j'avais toujours été bien trop occupé à étudier. En temps qu’aînée je ne pouvais pas me permettre d'obtenir de mauvais résultats. Je devais être le meilleur, pour ma famille, pour notre réputation, pour la fierté de mes parents et de mes frères, de Eun Sil. Ce petit ange était devenu une petite fille rayonnante, du haut de ses huit ans elle m'avait dit au revoir sur le quai de la gare, avant que je ne parte, avant que je ne m'envole sur un autre continent à des milliers de kilomètres de Corée. Je me souvenais jusqu'au moindre détail de son visage, de ses petits yeux brillants lorsque je me suis baissais pour la prendre dans mes bras. Je savais très bien que ça ne plaisait pas à mon père, que moi j'ose montrer mon affection, que moi j'ose aller vers les gens que j'aime sans craindre un couteau dans le dos. Et je savais aussi parfaitement que cela me nuirait tôt ou tard, car cela ne pouvait en être autrement. J'étais là, avec Eun Sil dans mes bras, et je lui promettais de revenir très vite, qu'elle n'aurait pas à attendre trop longtemps. Des mensonges, je partais pour trois ans. Lorsque nous nous reverrons elle fêtera ses onze ans et j'aurais manqué trois années de sa vie. Je m'en voulais, d'une certaine manière, mais je devais partir. Je ne supportais pas de rester au même endroit trop longtemps. J'avais la bougeotte, je devais découvrir le monde, je devais ouvrir mon esprit à d'autres cultures. Pour ma richesse personnelle, pour ne pas finir étouffé.

J'ai découvert mon homosexualité une nuit d'août, cela faisait un peu plus de trois semaines que j'étais arrivé en Angleterre. N'y étant pas pour les études je m'étais débrouillé une fois sur place pour trouver un petit job sans prétention dans une épicerie trois rues plus loin de mon logement. J'ai débarqué un mardi matin, aux alentours de dix heures, une valise derrière moi et ma peau dorée élargie en un sourire épuisé, sur le pas d'une maison mitoyenne dès plus rustique. J'ai sonné. Une femme m'a ouvert et m'a invité à entrer. Jessie, une des trois personnes avec qui j'allais passer les trois années à venir. Sa peau de charbon et ses cheveux bouffant me firent visiter la maison et lorsque j'entrais dans le salon je me retrouvais face à face avec mes deux autres colocataires. Jane, vingt-deux ans, une belle blonde qui ne me paya pas grande attention. Et Jake. Il se leva et afficha un sourire qui me hanta pendant des semaines. Jake. Il ne me fallut que quelques semaines pour tomber amoureux de Jake. Éperdument. Comme un adolescent tombe amoureux.  Vite, intensément et de façon insensé. Et une nuit, alors que je rentrais du travail, il m'attendait. Dans la cuisine, avec une tasse de café au creux de ses mains et un visage n'affichant que fatigue et tristesse. Un cauchemar. Encore. Comme à chaque fois je posais mon sa dans l'entrée, me débarrassais de ma veste et alla prendre sa main, le traînant jusque dans ma chambre pour qu'il puisse dormir, se reposer. Je le laissais me serrer tout contre lui et je n'étais capable de m'endormir qu'après avoir entendu sa respiration se calmer, signe qu'il s'était assoupi.

Mais Jake, lui, ne m'avais jamais aimé. Je ne sais plus comment je l'ai su. Je l'ai simplement découvert, et les choses n'ont plus jamais été pareils.

5 mai ± vingt-trois ans.
Les cartes. Un jeu qui commençait à me taper sur le système par moments. Autant je trouvais l'idée intéressante, autant je supportais mal de voir ces targets s'en prendre plein la tronche. J'étais quelqu'un de plutôt humain, voir une telle effusion de violence gratuite me répugnait au plus haut point. Mais je n'avais pas mon mot à dire, après tout, c'était comme ça depuis bien trop longtemps. Je ne pouvais pas changer grand chose, je ne pouvais que me contenter d'aider à ma manière. Et j'avais trouvé un moyen, je me forçais à être discret car si l'on découvrait mes faits...disons que je risquais de passer un mauvais quart d'heure. Oui, parce qu'on aide pas les target, on aide pas les joker, c'est comme ça. Pourtant, c'est ce que je faisais. J'attendais qu'ils se retrouvent seuls, que ce soit dans un couloir, un vestiaire, peu importe, j'attendais qu'il n'y est personne d'autres. Ce n'était pas grand chose, je me contentais de quelques formules d'encouragement, leur faisant promettre que si un jour ils sont blessés, qu'ils viennent me trouver, que je prendrais soin d'eux du mieux que je pouvais. Il fallait bien que mon doctorat me serve à quelque chose et j'étais encore capable de désinfecter une plaie. Je me promettais de ne jamais en laisser un souffrir trop longtemps, que d'une manière ou d'une autre je leur donnerais un coup de main. Mais n'allez pas vous imaginer que je ne faisais ça que par pur bonté d'âme. Ce serait très mal me connaître. Le jeu de carte est imprévisible et un roi peu devenir target du jour au lendemain. Tout comme un target peut se retrouver Roi. Alors, autant se la jouer sympa sur tout les tableau, pour que lorsque mon tour viendra de porter l'étiquette "a frapper" l'on soit plus aimable, l'on se souvienne de mes actes, et qu'on me foute la paix.